.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


samedi 8 avril 2017

Vientre de luz/Ventre de lumière - María Mercedes Carranza (1945-2003)





Chanson du dimanche


Inutile de choisir un autre chemin,
de décider entre cette parole blessée et un bâillement
de franchir la porte par où te perdre
ou de ne faire que passer comme n’importe quel oubli.
Inutile d’arroser des racines
qu’elles soient chimères, arbres ou cicatrices,
de changer de rôle et de scène,
d’être corde, arc, pute ou ombre,
de nommer et ne pas nommer, se décider pour les étoiles.
Inutile de se dépêcher et de pressentir
car il n’y a pas assez de temps pour voir
ou s’attarder une vie entière
à connaître dans le miroir ton visage.
Les iris, le ciment, ce bleu obscur des yeux,
les nuages qui passent, l’odeur d’un corps,
la chaise qui reçoit la lumière oblique du soir,
l’air que tu bois, tout rire, tout dimanche
tout te mène indifférent et fatal vers ta mort.



Canción de domingo


Es inútil escoger otro camino,
decidir entre esta palabra herida y el bostezo,
atravesar la puerta tras la cual te vas a perder
o seguir de largo como cualquier olvido.
Es inútil rociar raíces
que sean quimeras, árboles o cicatrices,
cambiar de papel y de escenario,
ser arco, cuerda, puta o sombra,
nombrar y no nombrar, decidirse por las estrellas.
Es inútil llevar prisa y adivinar
porque no hay tiempo para ver
o demorarse la vida entera
en conocer tu rostro en el espejo.
Los lirios, el cemento, esos ojos zarcos,
las nubes que pasan, el olor de un cuerpo,
la silla que recibe la luz oblicua de la tarde,
todo el aire que bebes, toda risa o domingo,
todo te lleva indiferente y fatal hacia tu muerte.